[RPG] The Last Mission...

Bande-son :



Au fond des coeurs des braves Mokoguerriers, la flamme de l'espoir, pourtant ardente auparavant, s'éteignait peu à peu. La scène était surréaliste : à l'horizon se profilait peu à peu une armée de colosses, disposés en rangées nettes tout comme l'aurait été une armée de soldats au service du plus puissant empereur du monde. Ils formaient un mur de béton et de lave incandescente implacable. Leurs pas, qui résonnaient en broyant la glace du territoire, broyaient par la même occasion les espoirs de victoire des Mokoguerriers. L'émotion sur les figures changeait. Le rictus de rage de chacun se changeait en une expression de nonchalance, en une moue triste, qui laissait bien voir à toute la bande que le bout du chemin était arrivé.
Seules leurs expressions permettaient de connaître leur tristesse. Mais si le monde virtuel avait été doté de plus de fonctionnalités au niveau des émotions et du ressenti de ses habitants, nous pourrions voir, sur le visage de chacun, couler de grosses larmes.
Une chose que le monde réel permettait.
Jérémie, derrière son clavier, ne perdait aucune dextérité à taper moult caractères. Sa vue brouillée par l'eau salée des larmes ne le gênait aucunement. Il n'avait jamais été aussi déterminé, et n'avait jamais été aussi triste de toute son existence. Il savait qu'il ne se tromperait pas dans ses codes, il savait qu'il ne retournerai pas en arrière. Aucun tremblement, aucune hésitation.
Le programme était terminé.
Il le nomma "Arrival".
Entrée. Il lança le programme.

Ce fut son dernier programme sur le supercalculateur.
Il se leva, prêt à suivre ce qu'il pensait être sa destinée.
Un pas, deux, puis trois, vers la trappe qui menait vers les scanners. Il descendit l'échelle, et considéra le scanner le plus proche. Il y entra avec la dignité d'un guerrier confirmé, d'un guerrier important, qui durant tous ces mois, toutes ces semaines, avait combattu avec foi et bravoure, derrière un petit écran et un petit clavier, et qui maintenant, allait faire ses preuves physiquement. Il se sentait empli d'un nouveau souffle.
Sur Mokonaë, tout le monde l'appelait, inquiets du silence radio qui perdurait depuis plus de trente minutes. Il n'entendait plus rien.
Le scanner se ferma. La lumière de la salle des scanners disparut. Jérémie ferma les yeux. Plus de lumière, plus de larmes.
Transfert. Il s'éleva dans la tour dorée. L'air souleva ses cheveux, et fit tomber ses lunettes. Il n'avait plus besoin de voir.
Scanner. Des centaines de particules lumineuses inondèrent l'espace, traversèrent son corps, emmenèrent l'humain qu'il était.
Virtualisation. C'était la fin. L'"Arrival".

~

Sur le territoire banquise, tout le monde hurlait son nom. Plus personne ne combattait les colosses, tous tentaient de les éviter tant bien que mal. Tous étaient dans un état second, d'angoisse, de peur, comme happés par l'irréalité de Mokonaë.
Et puis, tout s'immobilisa.
Les tremblements dus aux pas des colosses ne se firent plus sentir, le tambour de guerre s'était tut.
La lave cessa de luire dans leurs corps gargantuesques.
La mer numérique immobilisa ses vagues.
Les Mokoguerriers se fixèrent dans des expressions dignes des pires gargouilles. Conscients, toutefois, de ce qui se passait sous leurs yeux.
C'était inimaginable.
Au-dessus de leurs têtes, dans le ciel sombre du territoire banquise, apparaissait peu à peu une lueur bleue, éclatante, à la fois réconfortante et mystérieuse. Tout semblait figé dans un paysage hivernal de carte postale. Des particules luminescentes tombaient de cette lueur, telles une neige numérique très fine, qui se répandit bientôt dans toutes les directions sur le sol glacial.
La lueur dans le ciel s'estompa peu à peu, et les Mokoguerriers n'en crurent alors pas leurs yeux.
La lueur dans le ciel, c'était une personne. C'était Jérémie.
Aelita, Ulrich, Yumi, Annabelle, Odd, Emma, tous le virent. Tous virent qu'il baissa la tête, et leur sourit. Une dernière fois.
Comme s'il rappelait un immense filet de pêche, Jérémie rappella la fine neige qui avait recouvert tout Mokonaë. Avec elle, vinrent tous les monstres, toutes les tours, toutes les entités maléfiques au service d'ARNA. Vint donc à lui ARNA en personne. Il appelait ARNA.
Il se sacrifiait pour l'éliminer.
Tous les Mokoguerriers comprirent sans pouvoir piper mot.
Tous virent qu'il leur sourit une dernière fois, tel un messie resté dans l'ombre tout ce temps.
Tous furent dévirtualisés quand la dernière paillette brillante numérique atteignit Jérémie.
Tout s'estompa devant leurs yeux. Et ils ne purent rien faire.
Avant de tomber dans le plus profond des comas, il leur sembla à tous entendre un chuchotement...

"Adieu, mes amis."

Et tout devint noir.

Tout était si sombre. Même les lamentations des jeunes Mokoguerriers peinait à se frayer un chemin à travers cette obscurité.

Les collégiens se sentaient lourds. Ils tombaient dans un gouffre sans fin. Il faisait froid. Le désespoir les avait envahis. Ils avaient tous compris qu’ils ne reverraient plus jamais leur ami Jérémy, que désormais plus rien ne serait pareil. Ils avaient perdu leur guerre, bien qu’ARNA ne soit pas non plus gagnant. Il avait réussi à leur prendre ce qu’ils avaient de plus cher : Un ami.

Désormais, la douleur et les larmes les torturaient.
Annabelle criait. Elle pleurait comme elle ne l’avait jamais fait. Elle ne voulait pas que Jeremy s’en aille, elle ne voulait pas que tout se termine comme ça. Elle criait en vain le nom de son ami, sa voit résonnait dans le vide. Elle n’avait pas le pouvoir de ramener Jeremy.
Qu’est-ce qu’ils allaient tous bien pouvoir faire maintenant ? Qu’est-ce qu’ils allaient pouvoir dire aux parents de Jeremy ? Et à la Terre entière ? Il aurait peut-être fallu révéler la vérité au monde entier quand il avait été possible de le faire.
Garder le secret, c’était peut-être la chose la plus stupide qu’ils aient fait. Non, c’était la chose la plus stupide.
Pourquoi s’était-elle retrouvée dans cette histoire ?
Elle avait… elle avait suivi ces gens et découvert cette usine. Elle avait vécu une aventure à la fois dangereuse et merveilleuse avec ces gens qui étaient devenu ses amis. Mais pourquoi est-ce que ça s’est terminé comme ça ? Pourquoi ça ne pouvait pas se terminer sans qu’il n’y ait de victimes… ?
Qu’allait donner le futur maintenant ? Elle pouvait les entendre… toutes ces voix qui s’atteignaient.

Ses joues la brulaient. Les larmes ne voulaient pas cesser de couler. Son cœur était si serrer, sa gorge nouée et sa voix étouffée par les sanglots. Elle voulait appelait à l’aide. Elle appelait à l’aide. Mais personne ne pouvait l’entendre…
Pourquoi tout est toujours si noir ? Était-elle réveillée ? Ou est-ce qu’elle était… morte, elle aussi ?

~